Ancien joueur et formateur reconnu au sein du FC Nantes, Pierre Aristouy n’aura dirigé l’équipe première que durant quelques mois en 2023. Un passage éclair qui a laissé des cicatrices. Dans un entretien sans filtre accordé à So Foot, le technicien de 45 ans revient sur cette expérience frustrante, marquée par une méfiance persistante de sa direction, un manque de soutien de Waldemar Kita et une ambition stoppée net.
Un rêve brisé en cinq mois
Lorsqu’il est nommé entraîneur principal du FC Nantes en mai 2023, Pierre Aristouy pense tenir enfin l’opportunité d’inscrire son empreinte dans un club qu’il connaît intimement. Passé par la réserve puis les U19, avec lesquels il décroche deux titres de champion de France consécutifs, l’ancien attaquant nourrit une vision claire : miser sur la jeunesse, faire émerger une identité de jeu et construire dans la durée.
Mais cette aventure rêvée tourne rapidement au cauchemar. En novembre, après seulement cinq mois sur le banc, il est remercié et remplacé par Jocelyn Gourvennec. Un énième changement d’entraîneur dans un club où l’instabilité est devenue chronique.
Un manque de confiance dès le départ
Dès l’intersaison, Aristouy sent que la confiance affichée par la direction n’est qu’une façade. Lors d’une réunion à Paris avec le président Waldemar Kita et son fils Franck, directeur général du club, l’entraîneur attend un échange sur son projet de jeu. Mais rien ne vient. « À aucun moment, on n’évoque mon projet de jeu, ce qui est très étrange », confie-t-il à So Foot. Une situation qui le laisse perplexe : « Vous décidez de me faire confiance, autant poser les choses sur la table. »
Ce flou initial illustre, selon lui, le manque de vision à long terme du club. Si les dirigeants lui offrent un contrat de deux ans, ils ne semblent pas réellement croire à sa capacité à diriger l’équipe première, malgré ses succès en formation.
Une jeunesse sacrifiée
L’un des regrets majeurs d’Aristouy reste de ne pas avoir pu s’appuyer davantage sur les jeunes qu’il connaît si bien. « J’ai été à la tête des U19 et nous avions été deux fois champions de France consécutifs, je connaissais bien ces jeunes et il y avait de la qualité », affirme-t-il. Son plan était clair : intégrer progressivement cette génération prometteuse dans un projet de jeu cohérent et ambitieux. Mais avec la pression des résultats à court terme et un climat d’instabilité, ce projet n’a jamais pu voir le jour.
Pierre Aristouy déplore un certain gâchis : « Au moment où je prends l’équipe première, ils sont encore très jeunes, mais je comptais bien les inscrire sur un projet sur le long terme. » Il estime que ces talents auraient pu, avec un peu de temps et de stabilité, porter le club vers de nouveaux sommets, à l’image de ce que font d’autres clubs comme Rennes ou Lens.
« J’ai manqué de tact… mais je n’ai pas eu ma chance »
Loin d’être dans le déni, Aristouy reconnaît certaines erreurs. « Avec le recul, j’ai manqué de tact avec certains joueurs », admet-il. La transition entre la formation et l’élite professionnelle est rude, et le technicien reconnaît ne pas avoir toujours trouvé le bon ton. Mais cela ne justifie pas, selon lui, une éviction aussi rapide. Il estime que les bases étaient là, que les débuts n’étaient pas catastrophiques, et que l’équipe montrait des signes encourageants. « Si j’avais eu plus de temps, j’aurais pu mettre plus de choses en place », insiste-t-il.
Plus amer encore, il évoque les opportunités manquées sur le marché des transferts. Un style de jeu affirmé et tourné vers l’avenir aurait, selon lui, pu séduire des recrues de qualité. Mais le projet n’a jamais été suffisamment clair pour attirer des profils ambitieux.
Une saison encore chaotique pour le FC Nantes
L’échec de Pierre Aristouy s’inscrit dans une saison 2023-2024 une nouvelle fois chaotique pour le FC Nantes. Trois entraîneurs se sont succédé : Aristouy d’abord, puis Gourvennec, avant un retour surprise d’Antoine Kombouaré. Résultat : une 14e place en Ligue 1, acquise sans jamais véritablement rassurer.
Le club semble plus que jamais enfermé dans une spirale d’instabilité, où les entraîneurs défilent sans que les problèmes de fond ne soient réellement résolus. Dans ce contexte, la frustration d’Aristouy prend une résonance particulière.
Une vision gâchée par une direction déconnectée ?
L’entretien de Pierre Aristouy soulève une question plus large : comment construire un projet sportif solide dans un club où la direction semble naviguer à vue ? L’absence de discussions tactiques lors de la réunion fondatrice, l’éviction précipitée d’un entraîneur pourtant formé en interne, et le manque de considération pour les jeunes talents témoignent, selon lui, d’un profond malaise.
« Je considère que notre jeu aurait pu séduire des profils intéressants à venir chez nous », avance-t-il encore, preuve qu’il portait un projet structurant, loin des bricolages de court terme. Mais dans le FC Nantes de Waldemar Kita, les visions de long terme ne font que rarement long feu.
Aujourd’hui sans club, Pierre Aristouy attend une nouvelle opportunité. Son expérience nantaise, aussi douloureuse soit-elle, n’a pas entamé sa volonté de défendre un football exigeant et formateur. Mais elle l’a rendu plus lucide sur les réalités du métier. Et probablement plus méfiant envers les promesses sans lendemain. Le FC Nantes, de son côté, continue de chercher un cap. Mais tant que les entraîneurs ne pourront pas poser leur projet dans la durée, les saisons risquent de se suivre et de se ressembler.