Le week-end de foot s’annonce explosif dans les tribunes françaises

Entre menaces de dissolution, mobilisation nationale des ultras et tensions grandissantes avec les autorités, le football français entre dans un week-end sous haute tension. À Saint-Étienne comme ailleurs, la 27e journée de Ligue 1 et la 28e de Ligue 2 pourraient être marquées par des manifestations bruyantes, voire des débordements. Explications sur ce climat électrique.
Le PSG visé… mais interdit de stade
Le Paris Saint-Germain pourrait être sacré champion de France dès ce samedi à Saint-Étienne. Sur le plan sportif, le match est crucial. Mais en tribunes, c’est une autre bataille qui se joue. Les ultras parisiens, interdits de déplacement à Geoffroy-Guichard, ne pourront pas assister à cette possible consécration. En revanche, les ultras stéphanois, eux, comptent bien se faire entendre.
Dans les rues du Forez, une manifestation est déjà prévue quelques heures avant le coup d’envoi. Objectif : protester contre le projet de dissolution des Magic Fans et des Green Angels, deux groupes emblématiques de l’AS Saint-Étienne. Ce rassemblement s’annonce massif, porté par un fort sentiment d’injustice.
Une fronde nationale en préparation
Le cas stéphanois n’est que la partie visible d’un malaise bien plus large. En effet, ce week-end pourrait être marqué par une mobilisation nationale des supporters ultras, en Ligue 1 comme en Ligue 2. Plusieurs groupes envisagent des actions coordonnées dans les stades pour dénoncer les décisions du ministère de l’Intérieur.
Selon des informations recueillies par RMC Sport, plusieurs leaders de groupes de supporters planchent actuellement sur la meilleure stratégie de contestation : bâches revendicatives, tribunes muettes, retards de début de match, jets de confettis, ou manifestations à l’extérieur des enceintes.
Cinq groupes dans le viseur de Bruno Retailleau
À l’origine de cette montée de tensions : le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui a enclenché des procédures de dissolution contre plusieurs groupes ultras à la suite d’incidents survenus ces derniers mois.
Sont visés :
-
Les Magic Fans et les Green Angels à Saint-Étienne
-
Les Offender à Strasbourg
-
La Légion X au Paris FC
La Brigade Loire, groupe historique du FC Nantes, semble pour l’instant échapper à cette vague, mais un « sursis » fragile leur a été accordé. Et le spectre d’une reprise du processus plane toujours, comme l’a sous-entendu Retailleau dans Ouest-France, en appelant les supporters à une « prise de conscience ».
L’ultra-mobilisation : une unité inédite
Fait notable, la riposte s’organise de manière collective, malgré les rivalités parfois violentes entre groupes. 163 associations de supporters – toutes disciplines confondues – ont signé un communiqué commun pour dénoncer les projets de dissolution.
Cette union sacrée est portée notamment par l’Association nationale des supporters (ANS), très remontée contre le discours politique actuel.
« Aujourd’hui dans les stades français (…) les incidents sont en baisse depuis plusieurs années », assure l’ANS.
« Bruno Retailleau utilise un bouton qui est uniquement politique, médiatique. Et uniquement dans son intérêt. Ce monsieur nous considère comme des terrosupporters. »
Un terme fort, mais qui reflète la colère et le sentiment de stigmatisation que ressentent les ultras.
Une rupture avec les autorités
Face à cette tension grandissante, le dialogue entre supporters et institutions est rompu. L’ANS a annoncé son retrait de l’Instance nationale du supportérisme, un organe chargé de faciliter les échanges entre les ultras, les clubs et les autorités.
Un geste fort, qui pourrait ralentir l’organisation des déplacements, des dispositifs de sécurité, et accentuer les incompréhensions sur le terrain.
« Sans supporters qui passent des informations aux SLO, les SLO ne peuvent pas transmettre d’informations aux autorités compétentes et organiser les déplacements », expliquent les représentants de l’ANS.
Quelle forme prendra la contestation ?
Si la manifestation de Saint-Étienne est déjà confirmée, les autres formes de contestation restent en suspens. Banderoles, tribunes désertées, chants coordonnés, fumigènes… tout est envisageable.
Mais la crainte des pouvoirs publics est que la colère ne déborde. Le ministère de l’Intérieur surveille de près la situation, redoutant des actions plus radicales, voire violentes, à l’intérieur ou à l’extérieur des stades.
Le week-end de championnat pourrait donc basculer dans l’inédit, avec des images fortes à la clé, dans un contexte déjà marqué par la défiance envers les institutions sportives et politiques.
Un modèle en crise ?
Cette crise entre les groupes ultras et l’État remet en question le fragile équilibre du supportérisme à la française, souvent cité comme modèle pour sa capacité à dialoguer, tout en canalisant la ferveur.
En ciblant certains groupes sans concertation, le gouvernement prend le risque d’un effet boomerang, en radicalisant une partie des supporters autrefois intégrés au système. Le tout, dans un contexte où les incidents sont en recul, selon les données officielles.
Le football français, qui vit déjà une saison mouvementée entre tensions économiques, réforme des droits TV et débat sur la sécurité, pourrait donc vivre un nouveau point de rupture ce week-end.