Affaire Platini-Blatter : la justice suisse blanchit (encore) les deux ex-boss du football mondial

Neuf ans de scandale, de soupçons et de rebondissements… pour rien ? Michel Platini et Sepp Blatter viennent d’être de nouveau acquittés dans l’affaire de fraude qui a secoué la FIFA depuis 2015. Une décision en appel qui relance les débats : simple « accord de gentlemen » ou tentative de détournement dissimulée ? Plongée dans une affaire tentaculaire qui a ruiné les ambitions présidentielles de Platini et fragilisé à jamais l’image du football mondial.
Un dossier vieux de dix ans enfin clos ?
La saga judiciaire qui aura duré près d’une décennie semble toucher à sa fin. Ce mardi à 10h, la Cour d’appel extraordinaire du Tribunal pénal fédéral de Muttenz, en Suisse, a confirmé le jugement de première instance de 2022 : Michel Platini et Sepp Blatter sont acquittés. Tous deux étaient accusés d’escroquerie au détriment de la FIFA, pour un paiement de 2 millions de francs suisses (environ 1,8 million d’euros) versé à Platini en 2011, sans contrat écrit le justifiant à l’époque.
Le parquet avait pourtant requis, début mars, 20 mois de prison avec sursis à l’encontre des deux anciens dirigeants. Mais les juges n’ont pas été convaincus par les arguments de l’accusation. Reste une toute dernière possibilité pour les procureurs : un recours en cassation. Celui-ci, toutefois, ne pourrait être fondé que sur des motifs juridiques strictement définis, rendant un revirement peu probable.
« Faux salaire » ou rémunération différée ?
L’affaire repose sur un différend de rémunération qui, au fil des ans, s’est transformé en scandale judiciaire. Entre 1998 et 2002, Michel Platini a effectivement été conseiller personnel de Sepp Blatter, alors fraîchement élu à la tête de la FIFA. Un contrat signé en 1999 fixait une rémunération annuelle de 300 000 francs suisses, dûment payée.
Mais en 2011, Platini – devenu entre-temps président de l’UEFA (2007-2015) – réclame une somme de 2 millions de francs suisses, qu’il présente comme un solde de tout compte pour ses services passés. L’accusation crie à la « fausse facture », arguant qu’aucune justification contractuelle ne peut expliquer ce versement tardif.
Les deux accusés, eux, maintiennent une version simple : ils s’étaient entendus oralement, dès le départ, sur un salaire annuel d’un million de francs, mais les finances de la FIFA à l’époque ne permettaient pas de verser une telle somme immédiatement. D’où ce « paiement différé », effectué presque dix ans plus tard. « Un accord de gentlemen », selon eux.
Un scandale aux conséquences irréversibles
Même blanchis par la justice, les conséquences pour les deux hommes ont été considérables. Michel Platini, triple Ballon d’or (1983, 1984, 1985) et légende du football français, voyait en 2015 s’ouvrir une voie royale vers la présidence de la FIFA. Son image, jusque-là relativement intacte, était celle d’un dirigeant moderne et respecté.
Mais cette affaire l’a cloué au sol. Suspendu par la commission d’éthique de la FIFA, tout comme Blatter, Platini a été écarté de la course, laissant le champ libre à Gianni Infantino, élu président de la FIFA en février 2016. La « fausse facture » a ainsi balayé les rêves politiques de l’ancien numéro 10.
Sepp Blatter, de son côté, a quitté son poste présidentiel en pleine tourmente, avec une réputation définitivement entachée par le « FIFAgate », vaste affaire de corruption ayant secoué l’organisation mondiale du football.
L’échec d’une justice trop lente ?
Ce nouveau verdict interroge sur la manière dont la justice traite les affaires à haute visibilité. Presque dix ans de procédure, une enquête tentaculaire, des audiences publiques et une couverture médiatique internationale pour aboutir… à une relaxe totale.
Faut-il en conclure que les deux hommes ont été injustement cloués au pilori ? Ou bien que le manque de preuves écrites a tout simplement rendu une condamnation impossible, malgré des zones d’ombre persistantes ? La justice pénale suisse, en tout cas, a suivi scrupuleusement les règles : en l’absence de preuve de malversation délibérée, le doute a profité aux accusés.
Une image ternie malgré l’acquittement
Même blanchis, le mal est fait. Platini et Blatter ne retrouveront sans doute jamais leur stature d’antan. L’un comme l’autre ont vu leur nom associé pendant des années à la corruption et aux détournements de fonds. Le public, les médias et le monde du football les ont vus tomber du piédestal.
Et si cette décision confirme qu’ils n’ont pas triché aux yeux de la loi, elle ne suffira probablement pas à effacer le soupçon tenace dans l’opinion publique. Comme souvent, dans les affaires où la frontière entre légalité et éthique est floue, l’acquittement ne rime pas nécessairement avec réhabilitation.
Quelle suite ?
Avec ce jugement, la page judiciaire pourrait définitivement se tourner, sauf recours improbable. Mais la saga Platini-Blatter restera comme un cas d’école du mélange explosif entre pouvoir, argent et football mondial. Elle symbolise aussi l’incroyable opacité des pratiques internes d’une institution aussi puissante que la FIFA.
Michel Platini, aujourd’hui âgé de 69 ans, a toujours clamé vouloir « nettoyer son honneur ». Il pourrait désormais envisager un retour dans le débat public ou footballistique. Mais le temps perdu, lui, ne reviendra pas.